mercredi 14 janvier 2009

La jouissance






Propriétaire de bateau : source de plaisir certes … mais pas que. Commençons par quelques chiffres. Sur deux saisons soit une mise à l’eau continue de 40 jours comptons 40 heures de navigations … Entre les coups de chiens et les horaires d’écluses, l’endurance moyenne des enfants et les angoisses contenues de leur mère les virées en mer sont rares. Le problème majeur d’un propriétaire de voilier reste la sécurité de son embarcation. Outre l’entretien des points d’usure, le remisage est une source infinie d’inquiétude. Quotidiennement le marin rethais est soumis au bon vouloir de la capitainerie. La quête d’une place sure dans le bastion est un supplice. L’obtenir, c’est être malgré tout quotidiennement éjectable, pour être relégué au grand quai qui sous la houle du nord fait des embardées de 1 mètre. Une place dans le port de St martin, c’est 80 ans d’attente, non transmissible aux jeunes générations. Alors chaque année c’est la quête du gardiennage pour une place a sec avec les tracas du démâtage, grutage, routage, stockage … Malgré tout ce bateau fut une grande source de joie, de rêves et de liberté. J’espère que vous l’aimerez pour ce qu’il vous donne.
Bon vent

La restauration


L’hiver porte conseil. Il permit d’arpenter les salons et puces nautiques à la recherche de la manille inaltérable, du dernier bouquin traitant de l’aménagement intérieur des coques et des rénovations époxy. La mise en bouche nautique familiale semblait claire. Le mois de juillet à poncer, le mois d’août sur les canaux, du Loing à la seine et de la seine à l’île de ré. Rassuré par la salinité de l’eau, la proximité des berges et la lenteur du courant, l’acclimatation devait être simple et sans soucis. La réalité fut autre. Travailler à la restauration d’une petite unité est une sinécure. Outre l’inconfort lié au travail dans de petits volumes, les matériaux utilisés s’avèrent particulièrement toxiques. Ma peau se rappelle encore le picotement des fibres de verre, et mes bronches la nocivité des résines époxy. Le ponçage de la coque en scaphandrier par les chaudes journées d’été, amène à des états de transes qui confinent à l’extase. Les boiseries furent démontées, restaurées et revernies (merci à Maria pour ces trois couches). La coque poncée, mastiquée et peinte à l’époxy. Les hublots ajustés, sikaflexé et boulonnés. Le capot commandé à un des rares ship de paris n’ayant pas les dimensions ad hoc amena au meulage du pont pour son montage. Le pied de mat, qui à l’origine se résumait à une semelle de bois posée sur le pont fut remplacé par une pièce inox. Son façonnage fut l’occasion d’aborder la caste des chaudronniers. Les plans furent inspirés de ceux délivrés par l’amicale des Golifiens dont le forum sur le Web fut une source inépuisable d’inspiration. Le moteur fut révisé par un des rares mécanos d’hors bord de la région parisienne. Sceptique en voyant l’engin, ses a priori tombèrent quand il le démarra au troisième coup après dix ans d’hivernages.




A la fin juillet, une inspection précise des boulons de quille assermentés 9 mois auparavant par l’œil expert de mon géniteur m’amena à une conclusion inverse. Rouillés jusqu'à l’os, il était impératif de les changer à moins de risquer au pire de déquiller, au mieux la fuite permanente. N’étant pas équipé d’une taraudeuse, il fallait faire appel à un professionnel. Deux cent heures de bricolages plus tard, le timing de l’option rivière étant dépassé par une remise en état plus longue que prévu, le bateau fut convoyé à la rochelle. Confié in extremis au chantier « naval force 3 » (ceux qui prépare les bateaux de Dejoyeux …) pour le changement des boulons, la première mise à l’eau s’effectua le 6 août 2007 après 14 ans de cale sèche. L’expérience dura 30 minutes. Une fuite raisonnable du passe coque des toilettes me poussa à un re grutage in petto. Une choucroute de fibre bien ajustée condamnera cette ouverture superflue dans la coque. La mise à l’eau définitive eut lieu le 9 août 2007. S’ensuivit 2 jours d’ajustements de tout poil. A noter tout particulièrement un problème sur les bas haubans dont la longueur se retrouva inadaptée par le changement de pied de mat. Il fallut dégotter des ridoirs de 15 cm adaptés aux cadènes surdimensionnées du golif, ridoirs adaptés introuvables chez les 10 shipchandlers du plateau technique des Minimes (merci encore à naval force 3 et ses poubelles magiques). L’électricité a été refaite dans la foulée. Basé sur un principe de faible consommation, seront conservés un seul plafonnier LED en cabine, une tête de mat LED réglementaire sur les unités de moins de 7 m, un loch, un sondeur et une pompe de cale. Le choix s’est porté sur une batterie portable rechargeable sur le secteur. Un pilote typer Raymarine ST 1000 est mis en place sur une batterie au plomb de 17 A autonome et rechargeable par le hors bord. Hélène usera ses yeux sur les housses des matelas, qui n’avait pas résistés à l’humidité du Loiret. Le confort reste modeste pour la nuit, mais suffisant pour la sieste (il faudrait sans doute combler le triangle avant pour agrandir la couchette)

La recherche



La recherche d’un bateau ressemble à une partie de pêche : on taquine le bar, on ramène du maquereau. La prospection avait commencé à l’hiver 2005. Un rêve, des envies d’espaces, de voyages, de tout plaquer pour la classique année tourmondiste. Viens une petite annonce sur Internet : il s’agit d’une construction amateur, un plan Caroff de 14 m entreposé sur un parking d’autocar dans le Doubs. Une bouchée de pain, presque donné. Rendez vous est pris à Besançon. Nous étions dans les suites des émeutes, la coque avait été léchée par les flammes d’un bus voisin. Le projet avorta des suites de sa visite : hublots fondus, vaigrages carbonisées, soudures de coques à revoir …
Devant l’enthousiasme familial (Hélène s’inquiétant de son manque de compétences, de la mer, de ses dangers et de son ineffable mal des transports) les prétentions furent revues à la baisse, et le grand voyage se transforma en un testons pour voir initiatique sur un bateau sans doute moins impressionnant. Il sera petit, court sur patte, raide de toile et remorquable. Une autonomie de 2 jours pour quatre couchages. Restait à trouver la perle rare. De revues nautiques en arpentage de port, la révélation eu lieu à l’été 2006, en parcourant le fameux « Charente 17 annonces » disponible dans toutes les bonnes boulangeries. On aurait pu résumer l’encart par « Cède pour cause d’embarras bateau 6,5 m, moteur HB 9,9, remorque ». Renseignement pris, il s’agissait d’une jeune veuve, tenancière de maison d’hôte, qui vendait le rêve de son maçon de mari. Celui-ci, mort prématurément après la construction de la résidence commandée par sa femme, n’avait pu profiter de son bateau qu’il se réservait pour ses vieux jours. Il avait entre deux murs de parpaings, entamé depuis 10 ans dans le champ voisin la restauration d’une coque, déjà en désherance, racheté dans région de belle île. Il n‘avait pas fière allure. Pas de capots avant ni de hublots, 300 litres d’eau croupis dans les cales, trois nids de guêpe à l’ouverture de la cabine, une remorque hors d’âge dont les essieux menaçaient de rompre à chaque instant et un pied de mat très légèrement fendu. S’ensuivit une pêche au trésor dans les annexes de la maison à la recherche de l’accastillage lequel au bout du compte se révéla presque complet, et permit de retrouver en sus moulte produit de rénovation (époxy, mastics, peintures …). Au soulagement de la dilettante épouse, elle aussi victime de spasmes maritimes, encouragé par le flegme paternel (les boulons de quilles sont sains …disait il) l’affaire fut conclue une semaine plus tard. Le débaptisage eut lieu dans la foulée. Le choix se porta sur le patronyme « Al Gholif » néologisme contractant le nom du bateau paternel « algol » et le nom de série de ce plan construit par les chantiers Jouet à plus de 1000 exemplaires dans les années 60. Inspiré des aventures du célèbre pirate Borgnefesse, je devenais le cinquième capitaine. Rappelons que Jean Lacombe traversa l’atlantique sur un modèle similaire, lors de la solitaire de 1962 qui l’opposait à Tabarly. Le choix était sûr, ce bateau a fait ses preuves. La plaque de fabrication ayant disparu, des recherches archéologiques et une datation au carbone 14 ont permis de situer « Al Gholif » comme le 168 eme de la série. Il ne restait plus qu’à le convoyer dans le Loiret pour la remise en état. 200 coups de téléphone, 3 devis, 1 convoyeur et au finish un semi remorque de 16 m pour un bateau de 6,5 m.