La recherche d’un bateau ressemble à une partie de pêche : on taquine le bar, on ramène du maquereau. La prospection avait commencé à l’hiver 2005. Un rêve, des envies d’espaces, de voyages, de tout plaquer pour la classique année tourmondiste. Viens une petite annonce sur Internet : il s’agit d’une construction amateur, un plan Caroff de 14 m entreposé sur un parking d’autocar dans le Doubs. Une bouchée de pain, presque donné. Rendez vous est pris à Besançon. Nous étions dans les suites des émeutes, la coque avait été léchée par les flammes d’un bus voisin. Le projet avorta des suites de sa visite : hublots fondus, vaigrage

s carbonisées, soudures de coques à revoir …
Devant l’enthousiasme familial (Hélène s’inquiétant de son manque de compétences, de la mer, de ses dangers et de son ineffable mal des transports) les prétentions furent revues à la baisse, et le grand voyage se transforma en un testons pour voir initiatique sur un bateau sans doute moins impressionnant. Il sera petit, court sur patte, raide de toile et remorquable. Une autonomie de 2 jours pour quatre couchages. Restait à trouver la perle rare. De revues nautiques en arpentage de port, la révélation eu lieu à l’été 2006, en parcourant le fameux « Charente 17 annonces » disponible dans toutes les bonnes boulangeries. On aurait pu résumer l’encart par « Cède pour cause d’embarras bateau 6,5 m, moteur HB 9,9, remorque ». Renseignement pris, il s’agissait d’une jeune veuve, tenancière de maison d’hôte, qui vendait le rêve de son maçon de mari. Celui-ci, mort prématurément après la construction de la résidence commandée par sa femme, n’avait pu profiter de son bateau qu’il se réservait pour ses vieux jours. Il avait entre deux murs de parpaings, entamé depuis 10 ans dans le champ voisin la restauration d’une coque, déjà en désherance, racheté dans région de belle île. Il n‘avait pas fière allure. Pas de capots avant ni de hublots, 300 litres d’eau croupis dans les cales, trois nids de guêpe à l’ouv

erture de la cabine, une remorque hors d’âge dont les essieux menaçaient de rompre à chaque instant et un pied de mat très légèrement fendu. S’ensuivit une pêche au trésor dans les annexes de la maison à la recherche de l’accastillage lequel au bout du compte se révéla presque complet, et permit de retrouver en sus moulte produit de rénovation (époxy, mastics, peintures …). Au soulagement de la dilettante épouse, elle aussi victime de spasmes maritimes, encouragé par le flegme paternel (les boulons de quilles sont sains …disait il) l’affaire fut conclue une semaine plus tard. Le débaptisage eut lieu dans la foulée. Le choix se porta sur le patronyme « Al Gholif » néologisme contractant le nom du bateau paternel « algol » et le nom de série de ce plan construit par les chantiers Jouet à plus de 1000 exemplaires dans les années 60. Inspiré des aventures du célèbre pirate Borgnefesse, je devenais le cinquième capitaine. Rappelons que Jean Lacombe traversa l’atlantique sur un modèle similaire, lors de la solitaire de 1962 qui l’opposait à Tabarly. Le choix était sûr, ce bateau a fait ses preuves. La plaque de fabrication ayant disparu, des recherches archéologiques et une datation au carbone 14 ont permis de situer « Al Gholif » comme le 168 eme de la série. Il ne restait plus qu’à le convoyer dans le Loiret pour la remise en état. 200 coups de téléphone, 3 devis, 1 convoyeur et au finish un semi remorque de 16 m pour un bateau de 6,5 m.